Un club naît en 1948 : la Pédale Barjolaise.
Le présent chapitre est extrait du livre de Flore Naudin "Barjols, des Tannneries et des Hommes" aux éditions Rioumard (dont vous trouverez la première de couverture parmi les images en bas de page).
L'association est créée par Louis Mailland, ancien coureur cycliste. Il en est le trésorier.
Albert est secrétaire, Toresselas, camionneur chez Passy, est chargé des relations publiques.Pélissier, le patron du bar et de l'hôtel des Trois Fontaines, est nommé président car il a le téléphone.L'association a de petits moyens.
Elle fait payer leur place aux spectateurs pour constituer son fond de trésorerie. Les premières courses suivent le même parcours : Barjols-Tavernes-Varages-Brue-Auriac-Barjols, cinq fois d'affilée.
Elles sont organisées avec les moyens du bord. Les barricades sont constituées des piquets laissés à l'abandon dans les vignes et les poteaux de la ligne d'arrivée sont d'anciens forets reforgés.Pierrot, Gilles, Jeannot, les deux frères Césanna participent aux challenges.
L'un des deux frères peine dans les côtes mais il a toujours une excuse :
- Le dérailleur a encore sauté, il marchait pas !
Pour les vainqueurs, les récompenses sont symboliques : un boyau, un pneu ou 100F.
Les années suivantes, l'association prend de l'importance. Elle participe à toutes les courses des environs et en organise à Barjols. Des bals financent les compétitions mais cela ne suffit pas ; les membres du bureau quêtent dans les maisons de quoi boucler le budget.
Les gens donnent de bon cœur : toute nouvelle initiative est encouragée et soutenue.
Puis un jour, ces cyclistes ont envie de nouveauté. Ils ne veulent plus se contenter des petites courses locales. Une idée émerge :
- Si on faisait une ronde, la Ronde de Barjols ? Quatre vingt fois le tour de la Rouguière à vélo !
Peu à peu, tout se met en place et la première Ronde est organisée avec des amateurs de haut niveau. Ils viennent de toute la région pour participer à la course, ils assurent le spectacle.
L'évènement remporte un franc succès : le public a été nombreux. Les recettes sont assez bonnes pour envisager de recommencer l'aventure.
La deuxième année, l'association voit plus loin, elle veut s'offrir le luxe de faire venir des professionnels: les maillots nationaux.
Louison Bobet et les autres membres de l'équipe de France ne sont pas gourmands, la somme qu'ils demandent reste raisonnable. Le rêve est réalisable, mais l'organisation de l'évènement s'annonce complexe car pour ce petit club, l'investissement est énorme: en plus du dédommagement, la Pédale Barjolaise doit offrir le gîte et le couvert au Pont d'Or.
Les bals, les quêtes et les entrées payantes à la Ronde ne pourront pas couvrir les dépenses. L'association organise donc des tombolas. Les billets se vendent comme des petits pains car les lots sont de taille. Louis se souvient notamment d'un poste radio dernier cri ; il avait fait le bonheur du gagnant.
Arrive le jour de la course. Les spectateurs venant de toute la région se massent sur la Rouguière. La place est bondée, comme tous les balcons alentours. C'est le départ. Les cinquante coureurs s'élancent à toute vitesse, prennent tous les risques, se doublent à des endroits impossibles.
Le public retient son souffle à chaque virage. À cette allure, les bottes de paille placées de part et d'autre n'amortiront rien. Dans ces allées étroites et cabossées, une chute peut être mortelle. Il n'y a heureusement pas d'accident.
Personne ne se souvient du nom du vainqueur, mais pour Louis et ses complices une chose est sûre : les maillots nationaux ont fait rêver et trembler Barjols ; il faut planifier une troisième Ronde. Ce sera la dernière, organisée avec l'équipe nationale Italienne.
Le Père Plauchud en est le mécène. Il a prêté à Louis deux millions de francs sans intérêts. Comme pour les précédentes éditions, une tombola est organisée. C'est la plus mémorable d'entre toutes car le lot n'est pas une radio mais une voiture !
- On a mis enjeu une 4 CV neuve ! C'est le chargé des relations publiques qui nous l'avait procurée. Je ne sais pas comment il avait fait parce qu'à l'époque, il fallait deux ans pour obtenir une voiture !
Pour vendre les billets, on avait fait la tournée de tous les pays avec le camion de M. Vaillant et dessus, la 4 CV flambant neuve. On faisait la publicité dans un haut parleur.
Le camion n'ira pas plus loin que Salernes, stoppé par des gendarmes qui n'ont pas envie de plaisanter.
- Ils ont voulu nous mettre la voiture à la fourrière !
Tout le monde a rigolé parce qu'on n'avait pas réalisé le côté interdit de la chose. Vous auriez pensé à demander l'autorisation pour promener une voiture neuve, vous ?
L'appétit de Louis et de ses acolytes est insatiable. Ils ne se limitent plus au cyclisme mais se lancent dans l'organisation des matchs de foot. Aidés d'une foule de jeunes Barjolais, ils créent un tournoi.
Ils invitent une équipe constituée des amateurs varois les plus prometteurs (Brunet, Roubaud et Pneu font partie de la sélection), Cannes et l'Olympique de Marseille. L'OM à Barjols, voilà qui aujourd'hui en ferait rêver plus d'un !
Le club organise enfin des matchs de motoball, très à la mode, et des courses d'ânes au stade. Après-guerre on ne demande plus seulement aux baudets de travailler la terre mais d'être compétitifs.
Certains sont plus têtus que d'autres, et dans cette catégorie, l'âne de Gaby remporte la palme. Malgré la publicité de son maître, il vient de finir bon dernier du tour de présentation. Gaby ne s'en inquiète pas et continue de fanfaronner :
- Ne vous en faites pas, il va partir comme il faut. Je le tourne et je lui mets du rouge devant les yeux ; il va filer : il en a peur !
C'est peu de le dire. L'âne sera tellement surpris qu'il partira en sens inverse !
La danse, la musique ou le sport agrémentent le quotidien des Barjolais, les divertissent et les rassemblent. Mais au delà des loisirs, il existe d'autres évènements qui soudent littéralement le village. Ce sont les fêtes traditionnelles.